Il rangea la cuisine, ouvrit la porte du tiroir de la cuisinière, vérifia que la porte de son appartement était bien fermée et éteignit la première lumière. Il marcha jusqu'à son lit, diminua la température du thermostat et éteignit la deuxième lumière avant de commencer à rêvasser, une autre nuit, seul dans son lit.

Il ne s'endormit pas immédiatement. Il avait encore trop d'idées dans la tête et n'était pas détendu. Le travail, la maison ou peut-être un nouvel appartement, déménager, voyager, son ancienne copine, le nouveau site social, la marche de 5 km, le souper chez ses parents, le marathon, les exercices, la guitare, le changement de taxes, le bye bye, la discussion avec un inconnu sur IRC. Passé et avenir se mélangeaient, tout se bousculait à la vitesse des neurones. Sa journée se morcelait en petits fragments d'instant, assez petits pour créer les rêves. Il attendit, sous la respiration poussiéreuse du ventilateur de son vieux serveur, d'avoir l'éclair du songe, un petit courant électrique qui traversait à chaque nuit tous ses nerfs pour annoncer le sommeil. Après l'éclair du songe, le sommeil le gagnait assez rapidement jusqu'au lendemain matin. Il ne savait jamais à quelle heure il pouvait se réveiller. Une façon simple d'avoir une journée légèrement différente de la précédente. Il n'arrêtait pas de se penser dans un cycle: la journée (terre), le mois (lune), l'année (soleil). Comme s'il était dans une journée qui se répétait sans cesse comme dans le film « le jour de la marmotte ». Il n'avait pas encore vécu la journée idéale avec la femme de ses rêves pour cesser ce cycle et enfin commencer à vivre.

Le cercle était un tourbillon descendant qui l'amenait toujours vers la dépression, le manque, la paresse, le sentiment d'être la somme de ses échecs. Tranquillement, il essayait de combattre ses échecs mais les pas étaient si petits qu'il croyait parfois reculer. Il ne savait plus quoi penser. La fatigue le rattrapait.